Solotech: tournées mondiales, vidéoclips et… papier électronique

“Fournir, d’une part, l’équipement et la logistique pour des tournées internationales de grande envergure et assurer, d’autre part, la production audiovisuelle pour des clients du secteur du divertissement n’embête pas Solotech. L’entreprise montréalaise, qui a vu ses revenus passer de 100 millions en 2017 à 650 millions cette année, mise sur cette dualité pour atteindre le milliard de dollars, voire plus.

Solotech est l’exemple d’une entreprise québécoise qui a su surfer avec brio sur l’émergence des technologies numériques, et ce, malgré deux années de turbulences provoquées par une pandémie mondiale. Des restrictions sanitaires musclées ont forcé la fermeture quasi complète et prolongée des salles de spectacle partout sur la planète, ce qui aurait pu faire mal à l’entreprise spécialisée dans la location d’équipements de scène. Comme le rappelle son président et chef de la direction, Martin Tremblay, gérer 400 millions de dollars en équipements de scène, quand les scènes ne sont pas utilisées, ça peut faire mal.

Pas pour Solotech, qui a profité du ralentissement généralisé des activités dans le secteur du divertissement pour procéder à quelques acquisitions stratégiques — une dizaine en tout depuis l’arrivée à sa tête de Martin Tremblay.

« Aujourd’hui, nous nous percevons comme un consolidateur du secteur mondial du divertissement audiovisuel et de la logistique de scène. Nous sommes actifs dans dix des plus grandes tournées sur la planète — nous faisons partie de ceux qui travaillent systématiquement sur les plus gros projets de notre industrie », dit Martin Tremblay au Devoir.

L’Amazon de l’équipement de scène

Il y a deux semaines, Martin Tremblay a accueilli au poste de président de sa division des événements en direct Martin Carrier. L’ancien patron des studios MELS chez Québecor et avant ça ex-dirigeant de studios de jeux vidéo est un ami de M. Tremblay. Les deux hommes ont travaillé ensemble au début de la décennie passée, au moment où Martin Carrier pilotait l’établissement à Montréal d’un studio de l’éditeur californien Warner Games, la filiale du géant hollywoodien Warner Bros., qui était dirigée par Martin Tremblay.

Produire des jeux vidéo et gérer du matériel de scène ne sont pas tout à fait la même chose, mais il semble y avoir une leçon tirée de l’industrie vidéoludique que les deux dirigeants veulent appliquer pour diriger Solotech vers sa prochaine vague de croissance : assurer l’élasticité de ses activités pour générer de nouveaux revenus sans multiplier ses dépenses.

« Nous voyons notre chiffre d’affaires qui va atteindre 1 milliard bientôt. Notre entreprise est faite pour être scalable », dit Martin Tremblay, qui utilise un anglicisme évocateur dans le monde des affaires pour ce qu’il implique de flexibilité opérationnelle et de croissance des ventes.

Cette flexibilité a été permise par un virage numérique important au chapitre de la gestion de l’inventaire et de la logistique au sein de l’entreprise. Solotech doit composer avec quelque deux millions de pièces d’équipement en tout genre, réparties dans des entrepôts au Canada, aux États-Unis et en Europe. Des outils d’automatisation inspirés de l’intelligence artificielle ont été mis en place pour maximiser leur utilisation et pour déterminer le bon moment pour les revendre et les remplacer.

« Dans l’audiovisuel, il n’existe pas vraiment de marché secondaire pour l’équipement usagé, alors le matériel qu’on a, on le garde normalement jusqu’à la fin de sa vie utile. Nos outils numériques nous ont permis de rajeunir plus rapidement notre équipement, ce qui est important pour nos clients », dit Martin Tremblay, qui se compare dans cette stratégie à des géants du commerce en ligne. « Quand tu es un géant, un Amazon ou un FedEx, tout dépend de ta logistique. »

Sport et papier électroniques

Les géants ont aussi des activités souvent diversifiées. Chose que Solotech n’hésite pas à faire. L’entreprise de la rue Hochelaga a récemment conclu un partenariat avec le spécialiste du papier électronique Papercast, ce qui lui permettra d’installer des affichages dynamiques dans les lieux de spectacle temporaires ou permanents dont elle s’occupe.

Après tout, Solotech est approchée par des promoteurs immobiliers qui souhaitent construire des lieux de rassemblement en tout genre. Le Centre Bell à Montréal et le Centre Vidéotron à Québec ont des systèmes de son et d’éclairage qu’elle a conçus sur mesure.

Drôle de hasard, c’est justement dans les arénas que Solotech veut renforcer une expertise nouveau genre, et permettre à son grand patron de renouer avec son passé, étant donné que le sport électronique est maintenant dans sa ligne de mire. « Nous avons acquis un spécialiste du sport électronique durant la pandémie qui va nous permettre de tout produire pour ce type d’événements. Oui, je reviens à mes premières amours, mais il y a de tout là-dedans : de l’équipement de scène, de la production audiovisuelle, et même des environnements virtuels. »

Pour reprendre une version remaniée de l’adage, on peut sortir l’homme d’affaires du jeu vidéo, mais on sort difficilement le jeu vidéo de l’homme d’affaires… surtout si c’est pour faire passer son entreprise à la prochaine étape de sa croissance.”

*Publié par le site web ledevoir.com, le 12 mai 2023