PME: repenser les pratiques de gestion dans un contexte de tensions
“Il faut d’abord « reconnaître la situation », croit François Labelle, membre de l’INRPME, intervenant et coresponsable du colloque. « Les PME ne vivent plus en vase clos », explique ce professeur à l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Les PME sont désormais le maillon d’une chaîne allant des fournisseurs aux clients, en passant par les institutions et les organismes qui les soutiennent, dit-il. Elles doivent « faire à la fois face à la demande économique, environnementale, sociale et, bien souvent [à celle] de groupes ou d’acteurs qui ne se comprennent pas nécessairement ».
Ces pressions encouragent les gestionnaires et les entrepreneurs à repenser leurs pratiques, notamment en matière de gouvernance, d’orientation stratégique et de performance.
Conjuguer les pressions
Certaines tensions qui se font sentir dans la gestion d’une PME ne datent pas d’hier. Mais les changements climatiques, qui pèsent lourd dans le contexte actuel, les forcent à sortir « d’une logique d’action traditionnelle qui vise la maximisation de la richesse économique », soutient M. Labelle. Elles doivent tendre vers « une conciliation d’objectifs » plus alignés sur la protection de l’environnement.
De nombreuses aides financières ou logistiques pour les PME sont désormais conditionnelles à l’amélioration des pratiques sur le plan environnemental. Cela « oblige [les gestionnaires] à s’ouvrir à des logiques d’action pour lesquelles ils n’étaient pas nécessairement prêts », dit-il.
« Il y a des PME qui ont réussi à combiner ces [exigences], et même à en faire un avantage stratégique », observe le professeur, notamment en créant un « espace de gouvernance ». Dans cet espace, tous les acteurs partagent les mêmes valeurs et pratiques axées sur la réduction des dommages causés à l’environnement.
Les limites de la conciliation
Dans d’autres cas, il faut « concilier les logiques d’action » économiques et environnementales, affirme François Labelle. Il souligne, cependant, que « tout n’est pas conciliable ».
L’idée répandue selon laquelle l’environnement et la croissance économique peuvent créer une sorte de « mariage parfait » ne peut pas toujours être vraie, selon lui. « Il y a des limites à la croissance, qui va nécessairement être accompagnée d’une augmentation des répercussions environnementales. »
Un mariage imparfait, donc, mais dont l’union peut être facilitée par le soutien des institutions, suggère François Labelle. Il admet par la même occasion qu’« il n’y a pas encore beaucoup d’appels à la décroissance en provenance des institutions ».
Repenser la performance
Du côté des entrepreneurs, les projets sensibles à l’environnement ont pourtant le vent dans les voiles. Une des premières sources de motivation à la base d’un projet entrepreneurial est de « changer le monde », d’avoir un effet positif sur la société et l’environnement, fait ressortir le professeur de l’UQTR et directeur de l’INRPME, Étienne St-Jean.
Porter un projet d’entreprise à dimension environnementale permet de « se démarquer », selon lui. Mais cela crée aussi « une sorte de cercle vertueux ». « Quand une entreprise innove en proposant quelque chose de plus environnemental, les concurrents, pour ne pas perdre du terrain, vont finir par vouloir proposer le même genre de produit ou de service, ce qui fait que ça pousse encore les entreprises à innover davantage. »
Mais pour les gestionnaires de PME comme pour les entrepreneurs, il est temps « d’admettre que nous faisons face à des défis qui nous dépassent », et de repenser la performance en la découplant de la croissance à tout prix.
Le colloque a d’ailleurs été pensé de façon à pouvoir s’inspirer du modèle d’autres acteurs, comme les gestionnaires dans le domaine artistique, qui n’ont « pas à se justifier toujours en termes économiques ».”
*Publié par le site web ledevoir.com, le 6 mai 2023