Les épiceries sous la loupe du Bureau de la concurrence

“Lorsque vient le temps de faire leur épicerie, les Canadiens n’ont souvent le choix qu’entre des enseignes appartenant à une poignée de grandes entreprises. Cela pourrait contribuer à maintenir le prix des aliments élevés, selon le Bureau de la concurrence du Canada, qui a annoncé lundi qu’il lançait dès maintenant une étude sur ce secteur d’activité.

« On pense que de nombreux facteurs ont eu une incidence sur le prix des aliments, notamment les conditions météorologiques extrêmes, la hausse du coût des intrants, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les perturbations des chaînes d’approvisionnement. Des facteurs de concurrence sont-ils également à l’oeuvre ? » écrit l’organisme fédéral dans un communiqué.

L’étude, qui sera menée jusqu’en juin 2023, tentera de faire la lumière sur le rôle de la dynamique concurrentielle canadienne dans la hausse de la facture d’épicerie et de trouver des solutions.

Le Bureau se demandera notamment s’il est possible d’« apprendre des mesures prises par d’autres pays pour accroître la concurrence dans ce secteur ».

Une telle démarche poussera les épiciers à faire preuve de plus de transparence, estime la professeure adjointe en science de la consommation Maryse Côté-Hamel, de l’Université Laval. « À terme, le fait que leurs pratiques de fixation des prix aient été mises sous la loupe ne pourra que les encourager à fixer un juste prix pour leurs produits », a-t-elle commenté par courriel.

Rappelons que lundi dernier, les députés de la Chambre des communes ont adopté à l’unanimité une motion demandant notamment au Bureau de la concurrence de mener « une enquête sur les profits des chaînes de marchés d’alimentation ».

Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada, François-Philippe Champagne, s’est réjoui de la nouvelle sur Twitter. « Bonne première étape, que j’ai demandée, pour avoir des réponses sur les comportements potentiellement non concurrentiels », a écrit le ministre. Le Bloc québécois a aussi salué cette décision.

De son côté, le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, a indiqué que son parti aurait préféré une enquête plutôt qu’une étude, qui ne confère pas les mêmes pouvoirs pour exiger la divulgation d’informations. « Ce qu’on demande, c’est aux grandes chaînes d’alimentation et aux grandes chaînes d’épicerie de se présenter, de collaborer, de répondre aux questions du Bureau de la concurrence pour qu’on voie : est-ce qu’il y a eu collusion ? Est-ce qu’il y a exagération ? Est-ce que l’inflation a un petit peu le dos large ? » a-t-il dit en point de presse.

Le Bureau précise d’ailleurs qu’il ne s’agit pas « d’une enquête portant sur des allégations d’actes répréhensibles précis ». « Cependant, si nous trouvions au cours de cette étude des preuves que quelqu’un contrevenait à la loi, nous enquêterions et prendrions les mesures appropriées », affirme-t-il dans son communiqué.

Accueil prudent des épiciers

Les représentants de l’industrie ont pour leur part accueilli l’annonce avec ouverture. Le vice-président aux affaires publiques de l’Association des détaillants en alimentation du Québec, Stéphane Lacasse, juge qu’un tel exercice est important. « Les Canadiens s’inquiètent des prix des aliments, on le voit en tant que détaillants propriétaires, et ils veulent comprendre. C’est complexe, l’alimentaire, alors expliquer tout ça, aller chercher des données, ça peut juste être bien pour tout le monde », a-t-il dit.

Il demande toutefois que cette étude examine non seulement le prix fixé en épicerie, mais l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, des agriculteurs aux épiciers, en passant par les transformateurs et les grossistes. C’est aussi l’avis du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).

« À la toute fin du processus, on arrive aux détaillants, qui n’ont honnêtement pas beaucoup de marge de manoeuvre », a avancé Michel Rochette, président pour le Québec du CCCD. Il a rappelé que les marges de profit des détaillants en alimentation oscillent au Canada entre 1 et 4 % depuis plusieurs années, sans augmentation spectaculaire.””

*Publié par le site web ledevoir.com, le 25 Octobre 2022