Le chômage augmente pour un troisième mois consécutif au Canada

“La stagnation de l’emploi et la hausse continue du nombre de travailleurs, portée par l’immigration, font augmenter le chômage pour un troisième mois consécutif au Canada.

Encore tout près, au mois d’avril, de son creux record de 4,9 %, le taux de chômage est d’abord passé de 5 % à 5,2 % en mai, puis à 5,4 % en juin, et enfin à 5,5 % le mois dernier, a rapporté vendredi Statistique Canada. « C’est la première fois que le taux de chômage augmente pendant trois mois consécutifs depuis les premiers mois de la pandémie de COVID-19. » C’est aussi son niveau le plus élevé depuis janvier 2022.

Cette nouvelle hausse du chômage a moins été le fait d’un bien modeste recul du nombre d’emplois au pays le mois dernier (-6000) que d’une croissance de la population (+1,4 %) qui dépasse la création d’emplois (+0,7 %) depuis le mois de janvier.

Davantage de chômage chez les immigrants

Directement touché par la hausse des taux d’intérêt, le secteur de la construction a accusé la perte de 45 000 emplois en juillet — dont 11 000 au Québec —, pour un recul total de 71 000 depuis janvier. Les secteurs de l’administration publique (-17 000), de l’information, de la culture et des loisirs (-16 000) ainsi que du transport et de l’entreposage (-14 000) ont aussi subi des pertes. Elles ont toutefois presque été complètement compensées par les gains réalisés dans d’autres secteurs, comme la santé (+25 000), l’enseignement (+19 000) ou encore la finance (+15 000).

Principal moteur de la croissance démographique avec, par exemple, 145 000 nouveaux immigrants et un gain net de 155 000 résidents non permanents seulement au premier trimestre de 2023, la population issue de l’immigration a perdu du terrain sur le marché de l’emploi, note Statistique Canada. La proportion des personnes établies au Canada au cours des cinq dernières années qui occupaient un emploi s’élevait à 77,7 % le mois dernier, contre 80 % à pareille date l’an dernier. Ce taux d’emploi reste cependant bien plus élevé que sa moyenne avant la pandémie (70,8 %). Quant aux personnes nées au Canada, leur taux d’emploi est resté presque inchangé depuis un an et s’établissait à 86,6 % le mois dernier.

11 000 C’est le nombre d’emplois qu’a perdu le secteur de la construction québécois en juillet.

La rémunération des travailleurs, de son côté, est revenue tout près de sa tendance depuis le début de l’année. Après un léger ralentissement en juin de 5,1 % à 4,2 %, la hausse sur 12 mois du salaire horaire moyen des employés a remonté à 5 % le mois dernier au Canada. C’est plus élevé que les plus récentes mesures de l’inflation, qui faisaient état d’une hausse de 2,8 % de l’indice des prix à la consommation en juin.

Détérioration plus rapide au Québec

Au Québec, l’emploi a relativement peu varié pour un sixième mois consécutif en juillet, note Statistique Canada. Si l’on y compte 100 000 emplois de plus qu’à pareille date l’an dernier, c’est principalement en raison des gains réalisés en seconde moitié de 2022.

Encore tout près de son creux historique en mai dernier, le taux de chômage y a augmenté depuis de 4 % à 4,4 % en juin, puis à 4,5 % le mois dernier, ce qui reste le niveau le plus bas parmi les provinces canadiennes. Les hausses des salaires y sont, quant à elles, en diminution rapide depuis le début de l’année, leur rythme annuel étant passé de 6,9 % en janvier à 2,8 % le mois dernier.

Cette « détérioration du marché du travail était anticipée au Québec », a observé vendredi l’économiste du Mouvement Desjardins Hélène Bégin. « L’économie affiche déjà plusieurs signes de faiblesse et la création d’emplois évolue en dents de scie depuis quelques mois. […] Le marché du travail québécois semble avoir changé de cap avant celui de plusieurs provinces au Canada. »

Que fera la Banque du Canada ?

Ces nouveaux chiffres sur l’emploi arrivent alors que la Banque du Canada fait tout ce qu’elle peut depuis mars 2022 pour freiner la consommation des ménages et l’investissement des entreprises à coups de hausse des taux d’intérêt afin de ramener l’inflation à sa cible de 2 %. Au moment de relever encore une fois son taux directeur de 0,25 point de pourcentage à 5 % le mois dernier, elle s’est dite prête à récidiver si les indicateurs économiques montrent que cela ne se fait pas assez vite.

Ces chiffres décevants sur le front de l’emploi et le ralentissement de l’inflation en juin suggèrent que l’économie canadienne perd du rythme et que sa banque centrale en a probablement terminé avec les hausses de taux, a expliqué l’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter, dans une brève analyse vendredi. Mais la vigueur des hausses salariales et de l’inflation fondamentale signale aussi qu’elle ne procédera pas à ses premières baisses de sitôt.

L’économiste à la Banque CIBC Andrew Grantham estime pour sa part que les tendances salariales et le taux de chômage encore relativement bas inciteront la Banque du Canada à y aller d’une dernière hausse de ses taux. À moins que les prochaines statistiques sur l’inflation dans deux semaines la convainquent que ce n’est pas nécessaire.”

*Publié par le site web ledevoir.com, le 4 août 2023