La crise du coût de la vie ne doit pas faire oublier l’environnement
“La crise du coût de la vie restera le plus grand risque auquel fera face le monde au cours des deux prochaines années, craint le Forum économique mondial de Davos.
Mais le danger est que cela fasse perdre de vue l’urgence de s’attaquer plus sérieusement aux principales menaces qui pèsent à plus long terme et qui sont, en large partie, liées à l’environnement.
Actuellement, le monde n’en a, principalement, que pour les problèmes d’approvisionnement en énergie, l’augmentation rapide du coût de la vie, l’inflation et les difficultés des chaînes d’approvisionnement alimentaire, constate le Forum de Davos dans la 18e édition de son rapport annuel sur les risques mondiaux, dévoilée mercredi.
Le problème du coût de la vie devrait continuer d’occuper l’avant-scène au cours des deux prochaines années, ont estimé les quelque 1200 experts qui ont été sondés pour le dressement de ce portrait.
Selon eux, les catastrophes climatiques viendront au deuxième rang, suivies par les « conflits géoéconomiques », comme celui qui oppose aujourd’hui la Chine aux pays développés, l’érosion de la cohésion sociale et trois autres enjeux relatifs à l’environnement : les catastrophes environnementales, l’échec de l’adaptation aux changements climatiques et la pénurie de ressources naturelles.
Les années à venir annoncent des compromis difficiles à faire pour les gouvernements [soumis] à des préoccupations concurrentes en matière de société, d’environnement et de sécurité
Mais c’est sur un horizon de 10 ans que la crise environnementale prendra toute son ampleur en ce qui concerne sa probabilité et sa gravité, souligne le rapport d’une centaine de pages. Sur une liste de 32 risques économiques, environnementaux, géopolitiques, sociaux et technologiques, les six menaces environnementales monopolisent le haut du classement.
Le danger de grandes vagues migratoires forcées est le seul autre type de risque mondial à parvenir à se hisser parmi les six premiers, aux côtés de l’échec de la réduction des changements climatiques, de l’échec des mesures d’adaptation, des catastrophes naturelles, de la destruction de la biodiversité et des écosystèmes et de la pénurie de ressources naturelles.
Le pire, c’est que c’est aussi à ces risques que le monde se révèle aujourd’hui le moins bien préparé, 70 % des experts consultés qualifiant les mesures déployées jusqu’à présent d’« inefficaces » ou de « très inefficaces ». Pourtant, cela fait au moins 30 ans que l’on parle du problème du réchauffement climatique dans la communauté internationale, rappellent les auteurs du rapport.
Choix déchirants et contradictoires
Le danger maintenant est que les enjeux de l’heure retardent encore l’urgent rattrapage nécessaire en matière d’environnement.
Dans certains cas, comme la crise énergétique déclenchée en même temps que l’invasion de l’Ukraine par la Russie, on a même assisté à des reculs, l’Europe ayant été forcée d’investir 50 milliards d’euros dans de nouvelles infrastructures d’énergie fossile et de rouvrir des centrales au charbon.
« Les années à venir annoncent des compromis difficiles à faire pour les gouvernements [soumis] à des préoccupations concurrentes en matière de société, d’environnement et de sécurité », a déclaré dans un communiqué la directrice générale du Forum de Davos, Saadia Zahidi. En matière de changements climatiques, « les risques géopolitiques à court terme mettent d’ores et déjà à l’épreuve les engagements de neutralité carbone et ont mis en évidence l’écart majeur entre ce qui est scientifiquement nécessaire et politiquement acceptable », s’est-elle désolée.
Les tensions internationales grandissantes ont aussi incité certains pays à augmenter leur budget militaire, et donc à détourner des ressources financières qui auraient pu autrement mieux servir en allant à l’éducation, à la santé et au développement économique.
Ces investissements pourraient pourtant aider à réduire le problème d’érosion de la cohésion sociale et la division. À la place, on court de plus en plus le risque de voir ces clivages internes se perpétuer en menant à l’élection de gouvernements populistes aux politiques extrêmes et à courte vue qui ne règlent fondamentalement aucun problème.
Polycrises
Placée sur le thème de « la coopération dans un monde fragmenté », la 53e édition du Forum de Davos se tiendra du 16 au 20 janvier dans la huppée station de ski blottie au creux des Alpes suisses. Près de 2700 participants de 130 pays y sont attendus, dont une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement.
Plus de 1240 experts ont été sondés entre le 7 septembre et le 5 octobre par les auteurs du rapport sur les risques mondiaux. Aux deux tiers des hommes, et dans une large part originaires d’Europe (36 %) ou d’Amérique du Nord (13 %), ces répondants étaient pour plus de la moitié (54 %) issus du monde des affaires, les autres venant notamment des gouvernements (14 %), du secteur de la recherche (13 %), des institutions internationales (11 %) et des ONG (9 %).
Tous ces risques mondiaux ne doivent pas être pris isolément, car ils s’entrelacent et interagissent de façon à constituer ce qu’on appelle désormais des « polycrises », « c’est-à-dire un ensemble de risques mondiaux associés [ayant] des effets aggravants et des conséquences imprévisibles ».
« Le climat et le développement humain doivent être au coeur des préoccupations des dirigeants mondiaux, même lorsqu’ils combattent les crises actuelles. La coopération est la seule voie possible pour avancer », a conclu Saadia Zahidi.”
*Publié par le site web ledevoir.com, le 12 janvier 2023